Thèse IFPEN - Chaire CarMaEst-ce que l’évolution du CCS vers le BECCS peut surmonter les défis de l’acceptabilité sociale ? / Is the evolution of CCS to BECCS could overcome the challenges of social acceptance ?
Du 15 déc. 2020 au 14 févr. 2024
Equipe :
- Responsables du projet :
- Xavier ARNAULD de SARTRE (directeur de thèse)
- Sébastien CHAILLEUX (co-directeur de thèse)
- Jean-Pierre DEFLANDRE (Professeur et chef de projet à l’Ecole IFP School)
- Florence DELPRAT-JANNAUD (Responsable de programme Captage et Stockage du CO2 IFPEN)
- Doctorant : Florian AUCLAIR
Projet :
- Contexte
La Stratégie nationale bas carbone (SNCB), qui engage la France vers la neutralité carbone à l'horizon 2050, identifie les techniques de BECCS (Bio Energie avec Capture et Stockage du Carbone) comme cruciales pour atteindre les objectifs fixés par la France. Les technologies BECCS combinent la production d'énergie par la biomasse (qui, dans le processus de photosynthèse, utilise le CO2 de l'atmosphère) avec des techniques de captage du CO2 pendant la combustion de la biomasse, afin de produire de l'énergie et de stocker le CO2 en sous-sols.
Bien que la première génération de BECCS, exclusivement développée en Amérique du Nord, soit associée à une unité de production d'agrocarburants, la deuxième génération en cours de développement en Europe s’appuie exclusivement sur la production d’énergie à partir de ressources forestières. Les technologies mises en jeu étant reconnues matures, le défi technique réside donc davantage dans la combinaison et l'imbrication de deux filières industrielles complétement différentes, l’exploitation du bois-énergie d’une part et le transport et stockage du CO2 d’autre part.
Par ailleurs, au-delà de cet enjeu organisationnel, le déploiement du BECCS est susceptible de se heurter à des difficultés socio-politiques et économiques majeures. En effet, chaque développement indépendant des deux filières a connu et connait encore des difficultés importantes, allant des conflits socio-environnementaux aux modèles économiques et au faible soutien politique comme en témoignent pour l’utilisation du bois-énergie : l’arrêt en 2021 du projet EcoCombust d’EDF et pour le CCS : les oppositions locales aux projets de CCS comme celui de Lacq en France en 2012.
L’exploitation forestière, et plus largement la bioéconomie, fait l'objet de controverses majeures, liées notamment aux conflits d'usage des sols (Hermelin et Lagandré, 2009). Produire de l'énergie plutôt que de la nourriture compromet la souveraineté alimentaire des territoires producteurs et, à plus grande échelle, affecte la sécurité alimentaire mondiale. La production agricole intensive a également des impacts sur les sols, génère de la déforestation et des pertes de biodiversité, et entraîne des transformations profondes des profils/métiers des agriculteurs (Paillard et al., 2010).
Le stockage et le captage du CO2 sont aussi controversés pour des questions de sécurité et d'impact environnemental, à la perspective de transformer le sous-sol des territoires en décharges, mais aussi à des critiques plus englobantes du modèle industriel mettant en œuvre ces technologies (Arnauld de Sartre et Chailleux, 2020, Chailleux, 2019). Ces critiques, souvent issues des opposants aux technologies de géo-ingénierie (Shepherd et al., 2009), sont renforcées par des récits issus de la science politique diagnostiquant un " schisme de réalité " (Aykut et Dahan, 2014) entre les débats démocratiques tenus dans les arènes des conférences internationales sur le climat et la réalité de l'augmentation des émissions de GES, inhérente aux modèles de développement basés sur les énergies fossiles et dominée par les intérêts économiques.
La thèse porte sur la question de l'acceptabilité des technologies BECCS, en adoptant une approche historique visant à anticiper et décrire les controverses émergentes en puisant dans une analyse approfondie de grands projets significatifs passés et présents impliquant des acteurs des industries forestière et/ou du stockage de carbone. Pour ce faire, la thèse doctorale s'appuie sur un cadre théorique combinant une perspective évolutionniste à plusieurs échelles de l’intégration sociale des innovations technologiques (Geels, 2011) à une grille d’analyse de l'acceptabilité d'une technologie (Wüstenhagen et al., 2007), notamment dans le cas du sous-sol (Arnauld de Sartre et Chailleux, 2020b), reflétant trois dimensions : sa crédibilité (technologique et économique), sa gouvernance et son soutien politique, et la légitimité (politique et sociale) dont elle bénéficie.
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Démarche
Le doctorant sélectionne d’abord des projets ayant un impact significatif dans l’évolution du CCS vers le BECCS afin de décrire avec pertinence les différences et les similarités entre les controverses sur ces technologies au cours du temps. L’analyse porte sur les arguments et les discours mis en œuvre pour promouvoir ou s’opposer à la réalisation du projet sur plusieurs niveaux en partant de l’intégration locale jusqu’à l’influence des paradigmes macro-économiques. La méthodologie s'appuie sur quatre sources : la littérature scientifique (recherche sur les bases de données bibliographiques internationales), la presse (recherche avec l'outil Europresse), la littérature grise et les entretiens avec les acteurs.
Ces résultats ouvrent la voie à une typologie des controverses sur les projets de CCS et d’exploitation du bois-énergie qui sera ensuite utiliser pour anticiper les éventuelles oppositions sur deux projets actuels : la conversion de la centrale à charbon de Drax au Royaume-Uni en centrale BECCS et la construction d’une centrale BECCS de coproduction de chaleur et d’électricité à Stockholm.
La thèse présentera les différents outils discursifs et narratifs qui servent à façonner les définitions et représentations autour de ces technologies et ainsi nourrissent leurs intégrations territoriales. Enfin, cette étude permet de développer des scénarios plausibles pour l'émergence de controverses remettant en cause le BECCS, en tenant compte des différents choix stratégiques possibles faits par les acteurs soutenant la technologie : quel discours portent ou au contraire, rejette le BECCS ? quels sont les impacts du choix du modèle de gouvernance sur leur déploiement ? et les impacts des moyens pour la mise en œuvre ?
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Chaire CarMa : Ce projet s’inscrit dans le cadre de la Chaire d’enseignement et de recherche intitulée « Carbon Management and Negative CO2 emissions technologies towards a low carbon future" (CarMa)
https://www.carma-chair.com/doctoral-program-florian-auclair
Commanditaires :
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Durée :
38 mois