2025_11_Technofascisme

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Guillaume GUIMBRETIERE, Chargé de recherche CNRS, laboratoire TREE

Julien MATTERN, Maître de Conférence à l’UPPA, laboratoire TREE

 

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Technofascisme : technologies et autoritarismes (XIXe-XXIe siècle) Campus de Pau

Elon Musk a longtemps fasciné jusqu’en France toute une classe de passionnés de technologie, fanatiques de la puissance et de l’espace. Son ralliement tapageur à Donald Trump, tout autant que celui des autres prophètes de la Silicon Valley à la ligne dure du nouveau gouvernement des États‑Unis, témoignent des accointances étroites entre des formes de politiques qui rappellent par de nombreux aspects le fascisme d’une part, et les milieux sociaux et idéologiques de la haute technologie d’autre part. Le retour au plus haut niveau de la vie politique mondiale d’un salut nazi (dont les déclarations et les publications de l’auteur rendent la signification difficilement contestable) apparaît comme un sinistre présage.

Si l’expression de technofascisme a pu être théorisée et utilisée avec finesse par le passé (Gorz, 2020 [1977] ; Pasolini, 1979, p. 189, cité par Gori, 2012), ce néologisme facile est devenu ces derniers mois un lieu commun de l’actualité. On le retrouve d’articles en éditoriaux (inter alia, Durand Folco, 2025 ; Moussaoui, 2025) et au centre de la communication de certains groupes politiques critiques.

L’objectif de ces journées d’étude est d’interroger cette notion dans sa profondeur historique et théorique afin de mettre en lumière ses manifestations contemporaines ainsi que les moyens de les identifier et de les combattre. Une certaine emphase militante et quelques facilités de langage ont parfois conduit à voir et à dénoncer le fascisme partout. Si la langue elle-même était fasciste (Barthes, 2002), toute technique ne le serait-elle pas aussi ? Peut-on définir un concept de technofascisme dans sa spécificité, sans pour autant le restreindre de façon historiciste à la première moitié du XXe siècle ? Il faut pour cela délimiter précisément ce qui peut, ou non, relever du technofascisme, y compris au sein d’approches critiques de la technologie, quitte à restreindre ou limiter la pertinence de ce terme. S’il s’agit simplement de désigner les contradictions entre le développement technique et l’idéal démocratique, d’autres notions sont peut-être plus pertinentes : ainsi le vieux concept de technocratie (Akin, 1977), celui de « technique autoritaire » proposé par Lewis Mumford, ou encore l’idée d’un technoféodalisme (Durand, 2020) dominé par des entreprises multinationales.

À l’inverse, la notion de technofascisme semble résonner profondément avec certaines évolutions récentes, quand bien même le mot de fascisme n’y est pas explicitement associé : le retour sur les devants de la scène mondiale de rhétoriques ouvertement brutales, portées par des États expansionnistes belliqueux biens décidés à ancrer leur puissance dans les technologies nouvelles (Mhalla, 2024) ou bien celui de leaders charismatiques objets de culte de la personnalité sur les réseaux sociaux. En outre, la simplification et l’alignement du langage politique contemporain sur les impératifs du mouvement et de la puissance a bien des points communs avec ce que l’Allemagne a connu dans les années 1930 (Klemperer, 1947, Dewitte, 2007). Même le recours omniprésent à la promesse technologique comme deus ex machina, censée résoudre d’un coup toutes les crises et exigeant par conséquent la plus totale unanimité (cf. n’importe quel discours du Président de la République sur l’« I.A. »), rappelle furieusement la propagande des derniers mois de la guerre sur les « armes miraculeuses » qui étaient censées tout changer. Ces évolutions semblent rendre soudain obsolètes les dénonciations du « despotisme doux » (Tocqueville, 1840) de la technologie, qui voyaient dans les millions de puces et de capteurs autant de « little sisters » (Alberganti, 2007) au service des États et des multinationales, afin de maintenir la population dans un état d’apathie bienheureuse.

Nous proposons une structuration des journées d’étude en quatre axes : le rapport entre le fascisme historique et la technologie, les formes contemporaines du fascisme et de l’autoritarisme technologique, les mondes sociaux des sphères de la tech, et le potentiel intrinsèquement autoritaire des technologies. Des contributions liées, sur des thèmes ne s’inscrivant pas dans ces axes ou venant d’autres domaines disciplinaires, pourront être envisagées. La question du technofascisme a par exemple été largement développée par des dystopies de science-fiction dans la littérature, le cinéma ou la bande dessinée. Les contributions proposant des pistes de réflexion sur les résistances et les luttes contre le développement et l’affirmation des technofascismes sont particulièrement encouragées. Chaque axe invite en effet à mettre le technofascisme en perspective avec des formes d’« anti-technofascisme » historiques (axe 1) ou contemporaines (axe 2), qu’elles émanent des mouvements sociaux (axe 3) et/ou de réflexions technocritiques (axe 4) (pour plus d'information, v. AAC).

Programme, lieu et horaires bientôt disponibles.

Comité d’organisation

  • Guillaume Guimbretiere, Chargé de recherche CNRS

  • Julien Mattern, Maître de Conférence à l’UPPA, laboratoire TREE

Comité scientifique

  • Jean Autard, ATER à l’UPPA, Doctorant à l’EHESS, laboratoire CeRCLes

  • Stéphanie Dechezelles, Professeur des Universités à l’UPPA, laboratoire TREE

  • Pierrick Chalaye, Post-doctorant à l’UPPA, laboratoire TREE

  • Julien Mattern, Maître de Conférence à l’UPPA, laboratoire TREE

  • Julien Marchesi, Maître de Conférence contractuel à l’UPPA, laboratoire ITEM

  • Guillaume Guimbretière, Chargé de recherche CNRS, laboratoire TREE

  • Nelly Leblond, Titulaire de Chaire de Professeur Junior CNRS, laboratoire TREE

  • Jean-Luc Poueyto, Membre associé du LISST-CAS, Toulouse

  • Sarah Nechtschein, Chercheuse indépendante

  • Idrissa Mané, Chercheur associé au laboratoire ITEM